Le
Chef de l’Etat préside l’ouverture du colloque international sur les
civilisations et les cultures humaines
Ben Ali : « Le moment est venu pour
nous de dépasser la double opposition entre le Nord et le Sud, l’Orient et
l’Occident »
• L’Isesco décerne pour la 1ère fois
son Blason d’or au Président Ben Ali
• La paix
mondiale ne peut être construite qu’à travers le dialogue, la tolérance et
l’entente
• Appel aux Arabes et aux Musulmans à
présenter des initiatives et des propositions constructives qui puissent offrir
à tous de vastes perspectives pour dépasser les séquelles du passé colonial,
mettre fin au traitement selon l’approche des deux poids, deux mesures, et
ouvrir une ère nouvelle faite de concorde, de respect mutuel et de partenariat
équilibré
• Gouvernements, organisations et
associations doivent assumer des rôles nouveaux et actifs dans la conception de
relations saines entre les individus, les communautés et les peuples (…) pour
un dialogue multilatéral qui rejette la fermeture sur soi, le fanatisme, les
préjugés et les partis pris
• Il n’y a pas de races «évoluées» et
de races «arriérées», ni de civilisations «supérieures» et d’autres
«inférieures», pas plus de cultures «fécondes» et de cultures «stériles»
Le Président Zine El Abidine Ben Ali a
présidé hier matin, l’ouverture d’un colloque international sur «Les
civilisations et les cultures humaines: du dialogue à l’alliance», organisé par
l’Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (Isesco),
avec la participation de représentants des organisations régionales et
internationales, de personnalités internationales et d’éminents intellectuels,
chercheurs et universitaires.
Le Chef de l’Etat a
prononcé, à cette occasion, un discours dont voici le texte:
«Il m’est agréable de présider à
l’ouverture des travaux de ce colloque international sur le thème : "Les
civilisations et les cultures humaines: du dialogue à l’alliance", en
souhaitant la bienvenue aux représentants de toutes les organisations
onusiennes, internationales et arabes spécialisées, de même qu’à l’ensemble des
intellectuels, chercheurs et universitaires de pays frères et amis que
Tout en remerciant le Dr. Abdul Aziz
Al-Tuweijry, Directeur général de l’Organisation islamique pour l’éducation,
les sciences et la culture (Isesco), pour ses paroles aimables et ses nobles
sentiments envers
Les manifestations d’extrémisme, de
violence et de terrorisme auxquelles notre monde assiste en ce début de siècle,
ainsi que les phénomènes de crise, de tension et de conflits armés qui y
règnent, ajoutés aux fléaux de la maladie, de la pauvreté et des catastrophes
naturelles et aux déséquilibres excessifs qui affectent les domaines de
l’économie, des sciences et des technologies modernes, doivent nous inciter
tous autant que nous sommes, gouvernements, organisations et associations, à
assumer des rôles nouveaux et actifs dans la conception de relations saines
entre les individus, les communautés et les peuples, et dans le développement
accru et la promotion de ces relations, afin que les collectivités humaines
puissent acquérir l’aptitude à remédier à leur situation, et à faire face aux
côtés négatifs, dans le présent comme dans l’avenir.
Quiconque observe les grandes mutations
mondiales qui ont suivi la chute de l’Union Soviétique, au début des années
quatre-vingt-dix, peut se rendre compte avec stupéfaction de l’ampleur des
paradoxes qui ont résulté de certaines attitudes appelant au choc des civilisations
et à une sélectivité dans les relations avec les autres cultures, avec les
événements et développements qui ont suivi, attisant les sentiments de
fanatisme et de haine entre les peuples, et donnant lieu à des réactions
violentes de la part des uns et des autres. C’est ce qui représente, de notre
point de vue, une régression qualitative grave dans le processus global du
progrès humain.
Il était naturel que les organisations
internationales et régionales spécialisées s’emploient à apaiser les sentiments
agressifs des uns et des autres, en organisant une série de rencontres et de
colloques destinés à mettre en garde l’opinion publique mondiale contre la
montée de l’extrémisme et de la violence, et à l’inciter à faire face à ce
phénomène, à travers un dialogue multilatéral qui rejette la fermeture sur soi,
le fanatisme, les préjugés et les partis pris.
Nous avions déjà pris l’initiative, en
Tunisie, dès le début des années quatre-vingt-dix, de réformer les programmes
d’éducation et d’enseignement, et de prendre un ensemble de mesures au niveau
de la famille, de l’activité associative et du domaine médiatique, en vue de
consacrer les valeurs de dialogue, d’entente, de modération et de tolérance
dans les relations humaines, tout autant que l’habitude à l’acceptation de
l’autre et à la coexistence avec lui, ainsi qu’à l’écoute et au respect de ses
points de vue, en faisant évoluer cette attitude en conviction inébranlable,
dans la pensée comme dans le comportement, chez l’ensemble des Tunisiennes et
des Tunisiens.
Nous avons, en outre, créé une Chaire
universitaire pour le dialogue des civilisations et des religions, et institué
un Premier Prix Mondial de
Notre pays a accueilli, au cours de ces
dernières années, de nombreuses rencontres portant sur la tolérance, le
dialogue des civilisations et la solidarité internationale, donnant lieu à la
publication, en 1995, de
Notre pays a été connu, tout au long de
son glorieux passé et durant ses périodes de splendeur à Carthage, puis à
Kairouan et à Tunis, pour l’apparition de nombreux mouvements de réforme et de
progrès consacrant l’ouverture sur les autres, et coopérant de manière positive
avec les civilisations et les cultures étrangères, en coexistant avec elles et
en contribuant à les enrichir. Ces caractéristiques demeurent constantes et
sans cesse régénérées dans les préceptes de notre religion sublime, tout autant
que dans nos traditions sociales et nos choix politiques, comme elles l’avaient
été chez nos aïeux qui, ayant compris très tôt les bienfaits de la rencontre et
de l’échange entre les civilisations et cultures, avaient su s’en inspirer pour
créer et développer, innover et enrichir, exceller et rayonner. Ce faisant, ils
ont été un intermédiaire fidèle, au cours du Moyen-Age, entre les cultures
antiques et les cultures émergentes, renforcés dans leur rôle, par
l’institution Beit El Hikma de Rakkada en Tunisie, qui fut fondée par l’Emir
aghlabite Ibrahim Ibn Ahmed, en l’An 264 de l’Hégire/878 après J.C., sur le
modèle de Beit El Hikma de Bagdad, créée par Al-Maamoun et qui s’est
spécialisée dans la traduction des principales œuvres philosophiques et
scientifiques grecques, syriaques, persanes et autres. Notre pays, de par sa
forte personnalité, a pu, même en période de faiblesse et de régression,
résister aux envahisseurs étrangers, et reprendre l’initiative pour se
régénérer à chaque étape, sans rompre avec son identité ni avec ses racines, et
sans refuser l’apport des civilisations et cultures prédominantes.
La paix mondiale ne
peut être construite qu’à travers le dialogue, la tolérance et l’entente. De même, la destinée du monde ne
peut être décidée que par l’humanité tout entière, avec tous les hommes et au
profit de tous les êtres humains.
Nous tenons à souligner, d’un autre côté,
qu’il n’y a pas de races «évoluées» et de races «arriérées», tant il est vrai
que le progrès et le sous-développement sont à la fois relatifs et
conjoncturels, conditionnés par des facteurs historiques, sociaux, économiques,
culturels et politiques qui ont été amplement analysés par les grands hommes de
la pensée et de la philosophie de tous les temps.
Il n’existe pas non plus de civilisations
«supérieures» et de civilisations «inférieures»; pas plus qu’il n’existe de
cultures «fécondes» et de cultures «stériles»; parce que toutes les
civilisations et cultures, si nombreuses que soient leurs vertus et leurs
créations et si vastes ou étroits que soient leurs champs d’action, sont la
résultante d’un héritage universel commun, aux sources diverses et multiples,
et qui est né et a prospéré à la faveur de la réciprocité des influences et des
échanges entre l’Orient et l’Occident et entre le Nord et le Sud.
L’histoire universelle témoigne, on ne
peut mieux, que les crimes les plus atroces commis contre l’humanité se sont
appuyés, le plus souvent, sur le sentiment de supériorité raciale,
civilisationnelle ou culturelle, et ont perdu de vue que les êtres humains
naissent tous libres et égaux, quelles que soient leurs couleurs, leurs races
et leurs religions.
Toutes les civilisations, cultures et
religions, également, possèdent un patrimoine d’affection, d’entente et de
tolérance et des capacités de création, d’apport et d’innovation, qui les
habilitent à être constamment un outil déterminant dans le rapprochement entre
les hommes et dans l’aide qui doit leur être apportée pour parer à leurs côtés
négatifs, et dépasser leurs différends et leurs épreuves.
Aussi ne pouvons-nous qu’évoquer, avec
grande admiration et profond respect, les illustres prophètes, les sages, les
poètes, les hommes de lettres, les philosophes, les intellectuels, les savants
et les leaders de la réforme et de l’esprit éclairé, en général, qui, par leurs
messages impérissables, leurs ouvrages, leurs chefs d’œuvre et leurs créations
diverses ont su dépasser le cadre local, l’environnement géographique et
l’appartenance ethnique, pour servir l’être humain partout où il se trouve, et
ont accompli un rôle de précurseurs dans la propagation de la bonne action et
de la vertu et dans la consécration de la communauté de condition et de
destinée entre les hommes et sont ainsi restés des sources de lumière pour
l’humanité tout entière.
La responsabilité dont les titulaires
arrivent à dépasser le cadre du temps et de l’espace, pour porter leur intérêt,
leur combat et leurs sacrifices au niveau de l’humanité tout entière, est
celle-là même qui a toujours distingué les grands de ce monde, et leur a valu
admiration et respect.
Depuis l’Antiquité, Socrate avait compris
qu’il était responsable envers sa patrie et envers le monde, lorsqu’il avait
dit: "Je ne suis ni Athénien ni Grec, mais citoyen de ce monde". Les Arabes et les Musulmans se sont attachés à puiser la sagesse
en toute source, étant donné que "la sagesse est l’objet de la quête du
croyant, qui la prend là où elle se trouve". Dans son ouvrage
intitulé: "Les voies idoines pour la connaissance de la situation dans
les provinces", le réformateur Kheïreddine Ettounsi a souligné
l’impératif qu’il y a pour la communauté de connaître les réalités des autres
avant de choisir ce qui lui sied, en disant : "Nous ne pouvons
connaître ce qui nous sied, sur une base rationnellement construite, que si
nous connaissons les réalités de ceux qui n’appartiennent pas à notre faction,
et tout particulièrement ceux qui nous entourent ou s’établissent près de
nous". Le
Mahatma Gandhi, un des plus grands apôtres de la paix dans le monde, a appelé à
la nécessaire interaction des cultures, dans le contexte de la diversité et de
la complémentarité, en disant : "Je ne veux pas que ma maison soit
murée de toutes parts, ni mes fenêtres bouchées; mais je veux que les portes et
les fenêtres de ma maison soient laissées ouvertes et que les vents de la
culture de tous les pays soufflent librement pour elles. Mais je ne serai pas emporté, par qui que ce soit".
Chaque nation a eu
la possibilité d’apporter sa contribution à l’enrichissement de la diversité
culturelle, en usant des possibilités et des spécificités qui lui sont propres
indépendamment de son poids politique, de sa dimension géographique et
démographique et de son rang sur l’échelle du développement et du progrès. L’accumulation des divers apports
culturels au fil des temps a donné naissance à une culture humaine universelle
plurielle dans ses branches comme dans ses racines et démontrant de manière
catégorique et admirable, que ce qui unit les êtres humains est bien plus
consistant que ce qui les divise, et que la connaissance des spécificités
culturelles de chaque nation, leur reconnaissance et la communication avec
elles, dans le sens de l’interaction et du rapprochement constitutent la forme
la plus féconde du dialogue; celle qui est la plus durable et la plus
bénéfique. Car, le dialogue avec autrui, quels qu’en soient la nature et le
contenu, est une nécessité imparable pour la construction de relations de confiance
entre les hommes et la consolidation des liens de rapprochement et d’entente
entre eux. C’est que l’être humain, quel qu’il soit, est l’être humain,
par-delà la diversité des appartenances ethniques, religieuses, linguistiques
et culturelles d’un individu à un autre. L’illustre érudit tunisien,
Abderrahmane Ibn Khaldoun, dont nous commémorons cette année le sixième
centenaire de la disparition, a souligné à cet égard que l’être humain est un
être social et civil par nature, ayant impérativement besoin de communiquer
avec ses semblables et de coopérer avec eux pour sa survie et la préservation
de l’espèce, de telle sorte que se réalise le peuplement de la terre et que se
parachève sa réalisation.
Il faut reconnaître qu’à l’heure actuelle,
notre dialogue avec les autres, bien que nécessaire, est néanmoins inégal et
déséquilibré, étant donné que l’image des Arabes et des Musulmans, aujourd’hui
dans le monde, a énormément pâti d’une perception erronée de leur civilisation,
de leur culture et de leur religion, donnant lieu à des comportements et des
attitudes qui heurtent leurs sentiments. Cette perception erronée a été
alimentée, le plus souvent, par le comportement extrémiste et violent de
certains groupes et courants attribués, au sein de nos sociétés, à notre
religion musulmane sublime qui, pourtant, n’y est absolument pour rien.
Pour que notre dialogue avec les parties
influentes dans le monde soit équilibré et fructueux, il faut que ces mêmes
parties contribuent avec nous au renforcement des organismes des Nations unies
et à la dynamisation de leur rôle, ainsi qu’à la stimulation des mécanismes de
coopération et de solidarité entre l’ensemble des Etats, et à la mobilisation
d’un surcroît d’efforts pour remédier aux causes de tension et de conflit, atténuer
les phénomènes de pauvreté et de maladie dans le monde, éradiquer tout ce qui
peut élargir le fossé entre les nations, et aggraver les sentiments de
frustration et de désespoir avec les sentiments de haine et les phénomènes de
violence et de terrorisme que ces différents facteurs peuvent générer.
Le dialogue ne peut de manière absolue
naître du vide, car il a ses propres préludes, conditions et règles qu’il est
impératif de comprendre et de cerner, pour consolider la connaissance mutuelle
et le rapprochement entre les deux parties. C’est une étape préliminaire
fondamentale pour l’élimination des motifs du doute et de l’hésitation, des
fausses impressions, des jugements excessifs, des comportements agressifs et
des réactions exacerbées, afin que les deux parties puissent faire un pas
complémentaire en direction du raffermissement de leurs relations et de la
création d’une alliance positive créatrice.
Semblable alliance
ne peut naître, elle non plus, à partir de rien. Elle ne peut réussir ni durer que si elle
prend appui sur un dialogue sincère et honnête, fondé sur des convictions
communes assises sur les valeurs universelles et les engagements réciproques
envers l’humanité, avec la participation et l’engagement de tous les
gouvernements, institutions, organisations et associations, ainsi que des
élites intellectuelles, culturelles, sociales et scientifiques, des centres
d’éducation et de formation, et des organes d’information et de communication,
partout dans le monde.
Le moment est venu pour nous de dépasser
la double opposition entre l’Orient et l’Occident et entre le Nord et le Sud,
et de nous débarrasser des malentendus accumulés de part et d’autre, afin de
reconnaître tout le contenu moral et humain qui caractérise les civilisations,
cultures et religions de tous les peuples. Il nous est dès lors indispensable
de renforcer le rapprochement, la communication, la coopération et la
solidarité entre nous, dans le cadre de l’équité et du traitement d’égal à
égal, loin de toute exclusion ethnique, intellectuelle, religieuse ou
politique, afin que notre communauté internationale puisse venir à bout de ses
problèmes, de ses crises et de ses déséquilibres, et préserver son équilibre,
son évolution et son épanouissement.
En la matière, les Arabes et les Musulmans
n’ont pas d’autre voie que celle de présenter à leurs interlocuteurs des
initiatives et des propositions constructives, qui puissent offrir, à tous, de
vastes perspectives pour dépasser les séquelles du passé colonial et mettre fin
aux phénomènes d’injustice et de marginalisation et au traitement selon
l’approche des deux poids, deux mesures, et pour ouvrir une ère nouvelle, faite
de concorde, d’entente, de coexistence, de respect mutuel et de partenariat
équilibré, pour atténuer les écarts existants, éliminer les obstacles qui se
dressent devant la paix et le développement, et adopter des voies meilleures et
des méthodes plus justes dans la gestion des affaires du monde.
Je voudrais, pour conclure, réitérer la
fierté de
La cérémonie a été marquée par la pésence
de personnalités internationales et de représentants d’organisations régionales
dont notamment MM. Mahatir Mohamed, ancien Premier ministre de Malaisie,
Akmeleddine Ihsanglo, secrétaire général de l’Organisation de la conférence
islamique (OCI) et Amr Moussa, secrétaire général de
Ont assisté à la cérémonie, le premier
vice-président du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), le Premier
ministre, le président de
Etaient également présents, les
secrétaires généraux des partis politiques, les présidents des organisations
nationales, des corps constitués et des conseils consultatifs, ainsi que les
invités de l’Isesco aux travaux du colloque et les ambassadeurs des pays
islamiques accrédités à Tunis.