« LE MATIN »
9 décembre 2002
de Khadija Ridouane
Sollicitée ou imposée, la bonne gouvernance se conjugue au présent-futur et
rime avec mondialisation. Dès lors, la question qui se pose est de savoir quelles
seraient ses répercussions sur la vie quotidienne des populations,
particulièrement dans les pays pauvres.
«Hier l'ajustement structurel, aujourd'hui la bonne gouvernance», disent les
sceptiques. Les deux concepts, «suggérés avec plus ou moins d'insistance» par
les organismes financiers internationaux, seraient à leurs yeux responsables de
bien des maux dans les sociétés du Tiers-Monde. Leur argument, en ce qui
concerne le premier cas, est que la croissance économique recherchée n'a pas
nécessairement entraîné le développement, ni permis le recul de la pauvreté.
Les détracteurs de l'ajustement structurel, pensent que la politique aurait
profité aux seuls bailleurs des fonds, en ne faisant souvent qu'aggraver les
déséquilibres dans les pays qui en ont choisi la voie.
Peut-on se baser sur un tel raisonnement pour rejeter en bloc «la bonne
gouvernance» ? Même les plus hostiles répondent par la négative à cette
question. Toutefois, ils appellent à adapter ce concept aux réalités
différentes et complexes de par le monde. Ils mettent d'emblée en garde contre
la standardisation. « Il ne faut pas oublier que la gouvernance existe, mais
autrement », soulignent-ils. La gouvernance se fait, en effet, différemment
selon qu'on se trouve dans un pays ou un autre. « Ce ne sont pas les mêmes
concepts qui seront nécessairement entendus, d'une région ou une autre, ni qui
seront utiles et efficaces ».
Une mise en garde nécessaire, sinon utile. La bonne gouvernance devant
s'appliquer à des administrations publiques, des entreprises privées et à des
sociétés civiles qui sont dépassées, impuissantes, surclassées et/ou
découragées à des degrés différents. D'une manière plus générale, la bonne
gouvernance tente de « recentrer » sinon de « redéfinir », voir de « réinventer
» le rôle de l'Etat, notamment par rapport à la gestion des affaires de la
collectivité.
Il est évident, aujourd'hui, et au vu des mutations rapides qui s'opèrent dans
les sociétés modernes, que l'Etat, dans sa conception large, est appelé à
s'adapter. Les gouvernements tentent, tant bien que mal, à modifier leur
manière d'agir en fonction des dynamismes nouveaux. Des thèses sont fournies
par les économistes et autres spécialistes, de plus en plus nombreux, qui
suggèrent aux pays d'emprunter des chemins souvent identiques. Ainsi, par
exemple, on appelle l'Etat à se départir de son rôle d'assistance pour
privilégier la voie de la participation et du partenariat. « Fini le statut de
l'Etat régisseur et place à la responsabilité d'une cohésion sociale basée sur le
dialogue », souligne-t-on. Le rôle est, par ailleurs, applaudi d'un Etat «
orienteur, fournisseur d'indications, éclaireur de la décision des opérateurs
et des investisseurs ».
Quelles que soient les recettes proposées, leur efficacité n'est garantie
que lorsqu'elles incorporent des ingrédients locaux. Autrement dit,
lorsqu'elles prennent en compte les spécificités du contexte et du milieu où
elles interviennent.
Dans le même ordre d'idée, on pose la question, on ne peut plus pertinente,
de savoir quelles répercussions la nouvelle gouvernance pourrait avoir sur la
vie quotidienne des populations, en particulier celles qui forment le plus
grand nombre et que l'on désigne comme les plus démunies. Le thème a toute sa
place dans l'agenda du forum de Marrakech. En tous les cas, le ministre chargé
des affaires économiques et générales et de la mise à niveau économique, M.
Abderrazak El Mossadek, se réjouit de la tenue de ce forum. Ce dernier « vient
à point nommé, selon lui, pour donner un sens pragmatique et concret à la
déclaration du gouvernement qui est en examen de passage ».
Il est utile de rappeler que cette rencontre mondiale, la quatrième du genre
après celle de Washington, de Brasilia et de Johannesburg, offre l'occasion
d'un débat large autour de thèmes ciblés, notamment le renforcement des
politiques publiques de partenariat, la redéfinition du rôle de l'Etat et les
mécanismes de régulation, les partenariats locaux et régionaux, moteurs du
développement économique et, enfin, les cultures locales face aux exigences des
valeurs universelles.