Festival international du film de Marrakech :
hommage aux stars d’Orient, d’Europe et d’Amérique
A quelques 24 heures de la clôture officielle, ce mercredi soir, du
Festival international du film (FIFM), les interrogations ne cessent de fuser
de partout. Il s’agit de savoir qui de tous ces continents ayant participé à la
troisième édition décrochera la timbale ! Qui des réalisateurs, venus
d’horizons divers, sera consacré ! Qui enfin des films aura l’attention des
jurys ? On voyait Völker Schlöndorff, président du jury des longs-métrages,
Jeremy Irons pour les courts-métrages se démener avec la même tranquille
vigilance. Ils sont sollicités avec ardeur.
A côté, un public bigarré, constitué de jeunes et de moins jeunes, semble
renouer avec la passion du cinéma. Les salles aménagées au Palais des congrès,
en ville ou à Jemâa El Fna, ne désemplissent guère. Elles reçoivent des
centaines de cinéphiles, accourus dès le matin arracher leurs billets, pointés
des heures auparavant, bavardant sur les sujets projetés, bref impliqués.
C’est là, en effet, l’un des premiers mérites du Festival qui, partout dans la
ville, est décliné à travers ses symboles. A la salle Rif, au cœur de la cité,
il y avait foule lundi soir. Le cinéma indien était à l’honneur. Entre Amita
Bachchan, figure emblématique du cinéma indien et Govind Nahalani qui
présentait Ardh Satya, Ram Gopal Varna qui projetait Satya, les cours
balançaient. Une manière de consécration de ce cinéma populaire qui a marqué
l’enfance de chacun de nous. Et comme l’a rappelé, le premier soir, Gad El
Maleh qui nous avait arraché les cœurs parce que les cinémas des quartiers
populaires nous proposaient un doublé : un grand film de karaté et un grand
film d’amour indien.
C’est peu dire que la ville s’est prêtée aux enchantements de cette troisième
édition. Elle s’y est littéralement investie, elle en a épousé les couleurs et
les objectifs.
En premier lieu, celui de conforter une vocation que le Maroc peut être une
terre de cinéma où se conjuguent l’art, la culture et le développement d’un
secteur en croissance. En témoigne la présence d’un Oliver Stone qui tourne,
aux environs de Marrakech, son «Grand Alexandre» avec une pléiade d’acteurs
dont Angelina Jolie notamment. Sa présence au Maroc n’est pas un hasard, mais
un choix et l’hommage qui lui a été rendu avant-hier constitue un symbole.
Oliver Stone, outre la conférence de presse qu’il a donnée lundi
après-midi, où il a confirmé ce choix et sa volonté de travailler au Maroc,
incarne une génération de cinéastes engagés, depuis son engagement contre la
guerre au Vietnam jusqu’à Commandante, hommage envers Fidel Castro et qui
demeure un véritable témoignage cinématographique d’un genre inédit.
Au Palais Badîi, fraîchement décoré après deux jours pluies bienfaitrices, la
projection du Commandante, avait quelque chose de pathétique. Le baby-boomer
Oliver Stone était manifestement ému devant les flots d’applaudissements d’un
public qui a regardé assidûment le récit sur un homme au soir de sa vie mais
qui a incarné le rêve de toute une génération dont a fait partie le réalisateur
de Platoon et J.F.K. Salles combles, en ville, en médina, au Palais des
congrès, hommages colorés et émouvants, c’est dire que Marrakech honore les
cinémas du monde.
Elle exprime depuis cinq jours ses émotions et ses coups de cœur. Le cinéma
indien, présent avec pas moins de dix films, côtoie le bosniaque, le japonais,
l’égyptien, le français, l’américain et le russe. Et les cinéphiles sont
transportés d’un continent à l’autre. Au beau milieu de ce décor aux mille
signes, l’hommage d’Alain Delon a pris un relief particulier. Décoré
solennellement par S.A.R. le Prince Moulay Rachid, il est encore ému, affronte
la presse sur ses déclarations pessimistes, redresse la barre tout de même.
Harcelé à propos de son article que, la revue «La Règle du Jeu» de
Bernard-Henri Lévy a publié et que le Nouvel Observateur et d’autres journaux
ont repris, il décide de répondre du tac-au-tac. Non, il ne dénigre pas le
cinéma mais un certain cinéma. Sa carrière est bel et bien derrière lui. Il se
hasardera même à affirmer qu’il est aujourd’hui un has been, mais le cinéma le
couronne aujourd’hui.
Sa carrière, riche et passionnante est au souvenir de tout un chacun . Il est
l’homme qui incline non sans une humilité touchante, à un réexamen de
conscience. « Monstre sacré » pendant trois décennies, héraut du réalisme de
toute une époque, il est l’incarnation d’une beauté lisse et fatale qui ne se
reconnaît plus dans le cinéma kitch de nos jours. Il le pense et le dit surtout
avec un humour grave. Pourtant, il vient de tourner «Le Lion» en Afrique avec
sa petite fille en Afrique et continuera de tourner pour la télévision, manière
de faire un pied de nez à ceux qui s’empressent d’annoncer sa mort clinique.
Si l’on devait, par une seule formule, résumer sa critique, elle tient à cette
phrase à la fois nostalgique et amère qu’il nous a tenue, parole d’oracle
prononcée du haut des remparts de Marrakech, propos acidulée de «M. Klein» : «
Nous assistons à la fin des cinémas nationaux. Autrefois on se prévalait d’un
cinéma français, italien, brésilien, russe, anglais et américain parce que dans
chaque pays, on trouvait au moins cinq ou six grands cinéastes. Aujourd’hui, on
parle volontiers d’un seul grand réalisateur pour tout un pays ou pour toute
l’Europe ».
L’hommage au cinéma marocain, outre le film « Les mille mois » de Faouzi
Bensaïdi, projeté vendredi à l’ouverture et qui figure dans la liste de
compétition, est aussi celui rendu à Amina Rachid, grande âme dévouée qui
commença sa carrière, la poursuivit, dit-elle, sous trois glorieux règnes :
S.M. Mohammed V, S.M. Hassan II et aujourd’hui Sa Majesté le Roi Mohammed VI.
Elle est le symbole de la continuité : Le théâtre, le cinéma dans ses
balbutiements, les rôles dans «A la recherche du mari de ma femme», «Lalla
Hobbi» avec Mohamed Abderrahmane Tazi et «Elle est diabétique et hypertendue et
refuse de crever » avec Hakim Noury. Ce cinéma-là, d’une facture nationale sera
demain soir sur le podium des honneurs.
Il hissera les couleurs du monde arabe, incarné par une Yousra qui, habillée
par les grands couturiers parisiens, est devenue la coqueluche des chaînes et
des médias. Pas une ride, pas de signe qui trahisse une lassitude Yousra est
égale à elle-même. Alexandrie, encore et toujours ou Dantiella en ont fait la
star fétiche. Mais dans les couloirs de la Mamounia qu’elle traverse non sans
hâte, elle est carrément la femme adulée, entraînant derrière elle une nuée de
paparazzi. A ce festival, elle apporte sa note particulière de coquetterie et
de charme.