22 octobre 2003
Michele Capasso, président de l'Académie de la Méditerranée,
évoque un programme ambitieux pour la promotion interculturelle
Al-Ahram
Hebdo : L'Académie a-t-elle joué un
rôle quant à la traduction et la diffusion des œuvres de Naguib
Mahfouz dans le but de faire partager l'expérience
humaine sur les deux rives de la Méditerranée ?
Michele Capasso : L'Académie a encouragé les
maisons d'édition en Italie à entamer de nouvelles traductions de Mahfouz et à republier ses œuvres, profondément humanistes
et universelles. Mahfouz a réussi dans ses romans à
peindre honnêtement la vie des Egyptiens de la classe moyenne notamment et à
sonder leurs âmes, à l'instar du Français Balzac, dans La Comédie humaine.
L'Académie essaye actuellement de regrouper ses diverses
publications portant sur Mahfouz : historiques,
littéraires et encyclopédiques, afin d'élaborer une bibliographie de ses
œuvres. Cet ouvrage, qui sera rédigé avec l'aide de l'écrivain égyptien Mohamed
Salmawy, comportera un résumé de chacun des romans de
Mahfouz. J'espère pouvoir parachever cet ouvrage le
plus tôt possible pour l'offrir à Mahfouz, outre le
prix qu'on vient de lui décerner.
Y a-t-il d'autres publications de l'académie qui
s'intéressent à présenter les écrivains et les artistes égyptiens au reste de
la Méditerranée ?
L'année dernière, l'académie a publié un livre en anglais et en italien sur le
grand réalisateur égyptien Salah Abou-Seif.
L'ouvrage, qui contient un entretien exclusif avec Naguib
Mahfouz, lequel a souvent collaboré avec Abou-Seif, présente une filmographie complète de ce
dernier. Et compte tenu de la grande ressemblance entre Abou-Seif
et les réalisateurs italiens néoréalistes, l'Académie va présenter — dans
le cadre de l'année Italie-Egypte — trois films
du réalisateur égyptien et trois autres signés par des auteurs italiens
néoréalistes. Ce, à partir du mardi 21 octobre au petit théâtre de l'Opéra
égyptien.
L'académie a réalisé également sur une large échelle un
projet cinématographique visant à diffuser le cinéma égyptien dans les pays de
la Méditerranée. Ainsi, 80 films égyptiens ont été projetés dans 12 villes
méditerranéennes dans le cadre d'une rétrospective intitulée Le Caire, la
ville et ses habitants.
Quels sont les autres moyens par lesquels
l'académie encourage le dialogue culturel entre l'Egypte et ses voisins
méditerranéens ?
L'académie a mis en place un protocole de coopération permanente avec la
Bibliothèque d'Alexandrie qui comporte un projet de traduction des livres
européens vers l'arabe. Ce projet va commencer avec la traduction d'une œuvre
italienne du XVIe siècle intitulée Le Miroir de la mer Méditerranée.
Nous avons présenté ce projet le 12 octobre dernier à la Bibliothèque
d'Alexandrie en présence de madame Suzanne Moubarak.
Nous envisageons également travailler dès l'année
prochaine afin de préparer une encyclopédie exhaustive en arabe et en français
pour le monde méditerranéen. Cette encyclopédie présentera des connaissances
approfondies sur tous les pays du bassin.
L'académie commencera dès l'année prochaine, également en
collaboration avec la Bibliothèque d'Alexandrie, à construire une bibliothèque
pour les aveugles.
Et étant donné l'étroite collaboration entre les
archéologues méditerranéens et leurs homologues égyptiens, nous construirons au
Caire une école pour la formation des archéologues. Celle-ci visera à donner
une connaissance approfondie non seulement du lieu dans lequel l'archéologue va
travailler, mais de tous les sites archéologiques de la Méditerranée avec
notamment des cours sur l'histoire et la culture de ses différents peuples.
L'académie accorde-t-elle un intérêt particulier
à la poésie, vu la richesse de l'héritage poétique et religieux des peuples
méditerranéens ?
C'est à partir de l'année prochaine également que l'académie organisera à
Delphes, en Grèce, la Journée de la poésie méditerranéenne à laquelle
participeront Adonis, le poète syrien, et Chams
Nader, le poète tunisien.
En tant qu'architecte, avez-vous des idées
précises concernant la promotion de l'architecture dans les villes
méditerranéennes ?
Certes. J'ai proposé au gouverneur d'Alexandrie de faire de cette ville le chef
de fil de l'architecture « de bord de mer ». Car sur toutes
les villes de la Méditerranée, Alexandrie possède la plus longue corniche. Une
grande partie de la ville donne sur la mer. Ma proposition est de sauvegarder
cette architecture et de déplacer le centre-ville vers la corniche. Car les
Méditerranéens éloignent souvent leur centre-ville, avec ces cinémas, ses
boutiques, etc. de la mer.
J'aimerais non seulement promouvoir l'architecture, mais
aussi la culture des habitants.