Ve CONFÉRENCE EURO-MÉDITERRANÉENNE
DES MINISTRES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Valence, les 22 et 23 avril 2002
1. La cinquième conférence euro-méditerranéenne
des ministres des affaires étrangères, qui s’est
tenue à Valence les 22 et 23 avril 2002, a eu pour toile
de fond le degré de tension le plus élevé que
la région ait connu récemment. Dans ces circonstances
difficiles, les ministres ont souligné la nécessité
d’un dialogue renforcé et la pertinence des principes
et objectifs arrêtés dans la déclaration de
Barcelone en 1995 pour faire de la Méditerranée une
région de paix et de stabilité, de développement
et de prospérité partagée, de coopération
et de compréhension entre les cultures et les civilisations.
2. Les ministres ont constaté que la situation
tragique qui prévaut au Moyen-Orient exige d’être
traitée de manière urgente et dans une perspective
à long terme. À cet égard, ils ont souligné
la valeur et la nécessité d’un partenariat euro-méditerranéen
comme cadre essentiel pour le dialogue et la coopération,
qui soit un véritable point de rencontre entre les différentes
cultures et civilisations. Transformer cette diversité en
un facteur d’enrichissement est l’un des principaux
enjeux du partenariat.
3. Les ministres ont déclaré d’un
commun accord que, après le nouvel élan imprimé
au processus de Barcelone lors de la réunion de Marseille,
Valence doit marquer, six ans après son lancement, le début
d’une nouvelle étape. Les défis que représentent
l’élargissement de l’UE, les événements
du 11 septembre, l'évolution dramatique de la situation au
Moyen Orient et d’autres changements structurels sur la scène
internationale rendent le processus de Barcelone plus nécessaire
que jamais. Le moment est désormais venu de réaffirmer
cet engagement mutuel qui contribuera à la stabilité
régionale et à la paix et donnera une plus grande
profondeur au partenariat euro-méditerranéen. La nécessité
pour tous les partenaires de maîtriser le processus bien plus
qu’ils ne le font actuellement a été soulignée
et des initiatives concrètes ont été décidées
à cette fin.
4. Afin de disposer d’un programme de travail
spécifiant clairement les nombreuses initiatives et engagements
différents, les ministres ont adopté un plan d’action
qui, compte tenu du caractère général du processus,
couvre les trois chapitres et les dispositions institutionnelles.
Ce document a été élaboré après
d’intenses consultations avec tous les partenaires, menées
notamment au cours de visites organisées dans les capitales
méditerranéennes par la présidence, conjointement
avec la Commission et le Secrétariat général
du Conseil. Le plan d'action de Valence comprend un certain nombre
d’initiatives à court et à moyen terme destinées
à imprimer un élan politique au processus et à
le faire progresser de manière substantielle vers la réalisation
des objectifs fixés dans la déclaration de Barcelone.
Il reflète les principes de responsabilité commune,
de visibilité, d’efficacité et de crédibilité
du processus de Barcelone, et sera assorti de mécanismes
adéquats de suivi et de mise en œuvre.
5. Parmi les initiatives adoptées dans
le cadre du plan d'action de Valence, les principaux éléments
ci-après peuvent être soulignés:
- Dans le chapitre relatif à la politique et à la
sécurité et dans les dispositions institutionnelles,
les ministres sont convenus de renforcer le dialogue politique,
y compris sur les questions de défense; ils se sont entendus
sur une approche commune concernant le dialogue et la coopération
dans la lutte contre le terrorisme international et sur un approfondissement
du dialogue sur les droits de l'homme; ils ont également
tracé les grandes lignes des travaux à venir sur les
mesures de partenariat.
- Les ministres ont réaffirmé leur ferme attachement
politique à la démocratie, aux droits de l’homme
et à l’état de droit dans la région et
ils sont convenus de développer encore la dimension parlementaire
du partenariat. Ils se sont félicités de l’organisation
de la réunion des porte parole des parlements de la région
euro méditerranéenne en février dernier à
Athènes, ils ont reconnu la valeur des enceintes parlementaires
euro méditerranéennes existantes et sont convenus
de recommander la création d’une assemblée parlementaire
euro méditerranéenne comme le propose le Parlement
européen.
- Dans le domaine économique et financier, les ministres
sont convenus de la nécessité d'accroître les
investissements afin de promouvoir la croissance et l'emploi dans
la région méditerranéenne. Ils se sont félicités
de la décision de créer, au sein de la BEI, une facilité
renforcée pour mobiliser des ressources, notamment en faveur
des investissements dans le secteur privé. À cet égard,
la présidence a noté que les partenaires méditerranéens
appuient fermement la création d’une banque euro méditerranéenne.
- S'appuyant sur les conclusions des réunions des ministres
du commerce et de l'industrie, la conférence a demandé
qu'il soit procédé, dans le cadre du plan d'action,
à un suivi attentif en particulier pour ce qui est de l'harmonisation
des règles d’origine et dans les domaines de la promotion
des investissements, de l'intégration régionale, de
la libéralisation des services, de la réforme de la
réglementation et de l'accès aux nouvelles technologies.
Les ministres ont aussi accueilli favorablement la proposition grecque
de tenir une conférence euro-méditerranéenne
sur l'énergie.
- Les ministres se sont félicités des progrès
accomplis dans le cadre du processus d'Agadir et ont confirmé
leur ferme appui à des initiatives subrégionales de
cette nature. L’UE a renouvelé son offre de fournir
une assistance technique à ces initiatives. En outre, les
ministres ont réaffirmé qu'il convient d'inclure le
développement durable parmi les principes directeurs du processus
de Barcelone et ils se sont réjouis à cet égard
de la tenue de la Conférence des ministres de l'environnement
à Athènes, en juillet prochain.
- En ce qui concerne la dimension sociale, culturelle et humaine
du partenariat, les ministres se sont dits convaincus que la construction
du partenariat euro-méditerranéen requiert la participation
et l’engagement des gouvernements ainsi que des sociétés
et de tous les acteurs qui les composent, insistant à cet
égard sur la nécessité de tirer pleinement
profit des possibilités offertes par le troisième
volet de la déclaration de Barcelone dans l’ensemble
des domaines qu’il couvre.
- À la suite de travaux intensifs, un document-cadre a été
approuvé visant à mettre en œuvre un programme
régional de coopération dans le domaine de la justice
et en matière de lutte contre la drogue, la criminalité
organisée et le terrorisme et à instaurer une coopération
sur les questions liées à l’intégration
sociale des immigrés, à la migration et à la
circulation des personnes.
- Dans le contexte de la situation internationale actuelle, les
ministres ont souligné qu’il importait de favoriser
le dialogue et la coopération entre les cultures et les civilisations.
À cette fin, les ministres ont adopté le principe
de la création d’une Fondation euro méditerranéenne
destinée à promouvoir davantage le dialogue entre
les cultures et les civilisations et à accroître la
visibilité du processus de Barcelone par des échanges
intellectuels, culturels et de la société civile.
- Les ministres se sont félicités de l’adoption
du programme d'action pour le dialogue entre les cultures et les
civilisations, qui comporte des initiatives importantes dans les
domaines de la jeunesse, de l’éducation et des médias.
- Les ministres se sont également réjouis de l’extension
aux partenaires méditerranéens du programme Tempus
de coopération entre universités, qui permettra à
des universités de participer activement au partenariat et
de contribuer à la multiplication des programmes d’enseignement
adaptés aux exigences des marchés du travail.
6. Les ministres ont débattu des derniers
développements au Moyen-Orient. Ils ont exprimé la
profonde préoccupation que leur inspire la situation actuelle,
qui comporte des risques sérieux pour la sécurité
de la région et conduit à une grave crise humanitaire.
Les violences, les destructions, les souffrances, les violations
des droits de l'homme et le bain de sang n'ont fait que croître
dans la région pour atteindre un niveau sans précédent
au cours des dernières semaines. Ils ont exprimé leur
condamnation du terrorisme et de la violence et ont déploré
la perte de vies humaines, offrant leur plus profonde sympathie
aux familles de ceux qui ont été tués ou blessés.
7. Les ministres ont souligné qu'il n'existe
pas de solution militaire au conflit et ils ont réaffirmé
que la résolution 1402 du Conseil de sécurité
des Nations Unies doit être appliquée sans délai,
comme l'exige la résolution 1403 du même Conseil de
sécurité, en vue d'entamer des négociations
et de parvenir, dans un délai bien établi, à
une solution politique fondée sur les résolutions
242, 338 et 1397 du Conseil de sécurité ainsi que
sur les principes de la Conférence de Madrid, des accords
d'Oslo et des accords suivants, et tenant compte d'autres initiatives
telles que l'initiative arabe évoquée au point 9,
qui permettraient à deux États, Israël et la
Palestine, de vivre en paix et en sécurité et de jouer
un rôle à part entière dans la région.
Les négociations doivent conduire à la création
d'un État palestinien démocratique, viable et indépendant
en mettant fin à l'occupation datant de 1967, et garantir
le droit d'Israël à vivre à l'intérieur
de frontières sûres et reconnues, garanties par l'engagement
de la communauté internationale.
La fin du conflit requiert que des solutions concertées
soient apportées à tous les aspects des questions
liées au statut permanent.
La paix globale doit également englober la Syrie et le
Liban sur la base des mêmes principes.
8. Les ministres ont appelé instamment
à l'application immédiate de la résolution
1405 du Conseil de sécurité des Nations Unies pour
permettre aux organisations et agences humanitaires et médicales
d'avoir accès sans restrictions aux populations palestiniennes
qui se trouvent dans une situation épouvantable sur le plan
humanitaire. Ils ont accueilli favorablement l'initiative du Secrétaire
général visant à réunir des informations
exactes sur les événements survenus dans le camp de
réfugiés de Jénine, grâce à la
création d'une équipe d'établissement des faits.
9. Les ministres ont réservé un
accueil chaleureux à l'initiative de paix du prince héritier
saoudien Abdallah, qui a été approuvée par
le Sommet de la Ligue arabe à Beyrouth, estimant qu'elle
constitue un cadre important sur la voie d'une paix globale.
D'autres initiatives ont également été évoquées
par M. Peres, dont celle qu'il soutient avec M. Abu Ala.
10. Les ministres ont salué avec enthousiasme
la déclaration conjointe du "quatuor" faite le
10 avril à Madrid. Ils ont insisté sur la nécessité
de mener une action internationale soutenue et concertée
dans la recherche de la paix et ils attendent les nouvelles initiatives
que prendra le "quatuor". Différents avis se sont
exprimés concernant l'éventuelle tenue d'une conférence
internationale.
11. Les ministres ont pris note de la conviction
générale qui règne quant au fait qu'un mécanisme
impartial de surveillance aiderait les deux parties à poursuivre
leurs efforts et il les ont invitées instamment à
examiner les propositions en vue d'accepter la présence d'observateurs.
Plusieurs délégations ont souligné la nécessité
d'une présence de forces internationales de maintien de la
paix.
12. Les ministres ont appelé la communauté
internationale à sauvegarder, à renforcer et à
aider l'Autorité palestinienne, notamment par des efforts
en vue de reconstruire ses infrastructures, sa sécurité
et sa capacité à gouverner. Ils ont également
lancé un appel à la communauté des donateurs
et aux institutions financières internationales afin qu'elles
renouvellent leur engagement et qu'elles mobilisent d'urgence les
ressources nécessaires pour fournir une aide humanitaire
urgente au peuple palestinien et aider à la reconstitution
de son économie et de ses institutions, dans le cadre de
la promotion du développement régional et de l'intégration
économique.
La normalisation des flux commerciaux, des transferts et des conditions
économiques dans les territoires palestiniens constituent
un aspect essentiel de la reprise de l'économie palestinienne.
13. En conclusion à ce débat, la
présidence a lancé un appel aux autorités israéliennes
pour qu'elles cessent leurs opérations militaires, qu'elles
retirent immédiatement leurs forces militaires des villes
palestiniennes, notamment de Bethléem et de Ramallah, y compris
du quartier général du président Arafat, dont
la sécurité personnelle et la liberté de mouvement
doivent être respectées et garanties. Il faut également
trouver une solution pacifique à la situation de l'église
de la Nativité. Elle a invité au respect total du
droit humanitaire international.
La présidence a invité l'Autorité palestinienne
et son président, M. Arafat, le dirigeant élu et reconnu
du peuple palestinien, à agir avec détermination et
à prendre toutes les mesures qui sont en son pouvoir pour
lutter contre le terrorisme, notamment les attentats suicides à
la bombe, et mettre un terme à l'incitation à la violence.
Pour aboutir, la lutte contre le terrorisme doit comporter le démantèlement
de l'infrastructure terroriste et de son financement.
14. À l'occasion de la Conférence
ministérielle de Valence, s'est tenue la cérémonie
de signature de l'accord euro-méditerranéen d'association
avec l'Algérie en présence de M. Bouteflika, président
de la République algérienne, et de M. Aznar, président
du gouvernement espagnol. Les ministres se sont félicités
de la signature d'un accord d'association avec le Liban, qui interviendra
au cours des semaines à venir, et de l'entrée en vigueur,
au 1er mai, de celui conclu avec la Jordanie. La conclusion de onze
des douze accords d'association marque ainsi une nouvelle étape
dans les relations euro-méditerranéennes, la plupart
des partenaires se trouvant désormais engagés dans
un processus qui doit aboutir à la création progressive
d'une zone de libre-échange dans la région.
15. La présidence de l'UE a souhaité
la bienvenue à la délégation libyenne à
la Conférence de Valence. Compte tenu du rôle que joue
la Libye dans la région méditerranéenne et
sur le continent africain, la présidence de l'UE espère
que la Libye contribuera pleinement à la relance de la coopération
euro-méditerranéenne. Elle a également salué
la présence d'autres invités spéciaux de la
présidence: la Ligue arabe, l'Union du Maghreb arabe et la
Mauritanie.
16. La conférence a déploré
l'absence de la Syrie et du Liban, tout en respectant leur décision.
La présidence espère que ces deux pays poursuivront
leur coopération dans le cadre du processus de Barcelone.
17. Les ministres ont pris note du rapport final
du Forum civil qui s'est tenu les 12 et 13 avril à Valence
et des efforts consentis pour assurer la continuité des travaux
des forums civils. Ils ont encouragé les acteurs de la société
civile à renforcer leur contribution en vue de la réalisation
des objectifs du partenariat.
18. Les ministres ont conclu que la conférence
de Valence avait fourni l’occasion de mener une discussion
ouverte, franche et constructive sur les résultats obtenus
depuis Barcelone, les problèmes rencontrés et les
solutions qui ont été trouvées. Le processus
de Barcelone est maintenant suffisamment bien ancré et solide
pour permettre à ses participants d’engager un dialogue
ouvert sur toutes les questions d’intérêt commun.
La présidence a noté que les partenaires souhaitent
améliorer la visibilité du processus par une sensibilisation
accrue du public aux activités qu’il englobe.
* * *
Les ministres ont accueilli favorablement la proposition faite
par la Grèce d'accueillir une réunion ministérielle
au cours du premier semestre de 2003. La VIe Conférence euro-méditerranéenne
des ministres des affaires étrangères (Barcelone VI)
se tiendra au cours du second semestre de 2003, pendant la présidence
italienne.
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